Il était une fois, une coiffeuse qui voulait épouser un chauve, mais c'est une histoire un peu tirée par les cheveux. Du coup, à la place, je vais vous parler d'une histoire simple. La mienne. Déçus, hein? Vous rêviez de tout connaître de cette histoire capillaire, hein? Et bah non, vous n'en saurez rien. Vous vous laissez emporter vachement rapidement les gars. Si vous vous passionnez à ce point, c'est même possible que mon histoire vous ravisse, hein. Allez savoir. Yen a qui sont pas trop exigeants. Moi, c'est Selina Avery Newmar. Née de Paul et Diana Newmar. Mon père était fan de comics, et voilà ce qui arrive. On se marie à une femme qui a le prénom de Wonderwoman et on nomme sa fille comme Catwoman.

J'ai des tonnes de comics éparpillés autour de moi. Faut dire que la boite était haute aussi. Pourquoi est-ce qu'ils cachent ça. Les bandes-dessinées, c'est pour les enfants, ils devraient pas cacher ça, dans des boîtes hautes. Et puis pourquoi ils cacheraient des choses dans des boîtes hautes dans la chambre de Marlon, hein? Marlon, il a pas de raisons d'avoir plus de choses que moi. Il est plus vieux, mais pas tant que ça. Et puis, c'est pas parce qu'il est plus vieux qu'il est plus malin! J'ai vu dans son carnet d'école de quand il avait mon âge, et bah c'était pas très fortiche hein! Après, c'est pas parce qu'on est pas fortiche à l'école qu'on est pas malin, mais pour Marlon si. De toute façon, il aurait pas du s'appeler comme ça. Parce que Marlon Brando, il est mille fois mieux de toute façon, et Marlon, il est mille fois pas bien. Mais avant que j'ai eu le temps d'attraper un comic, ya maman et Marlon qui débarquent à la porte et il me regarde comme si j'était un monstre. Mais pas un monstre comme Godzilla, parce que Godzilla on a tous peur de lui mais on l'aime. Plutôt un monstre comme une grosse araignée géante et velue. Il me soulève du bout des bras et me tend à maman d'un air désespéré. « Débarasse-moi de ça... » Maman m'attrape dans ses bras. Je suis un peu grande pour ça, mais j'aime bien quand même. Elle regarde au dessus de mon épaule les trucs étalés par terre, et elle glousse légèrement avant de glousser de plus belle quand Marlon lui lance un regard noir et claque la porte de sa chambre. « Cache-les encore plus haut la prochaine fois! » On entend derrière la porte Marlon qui tape dans son bureau, suivi d'un glapissement. Il a du se faire mal. Il est bête. Et maman elle rigole en me portant jusqu'à la cuisine. Elle m'installe sur une chaise et elle rigole toujours. Quand elle arrive enfin à maîtriser son fou-rire, elle a eu le temps de me sortir des cookies et de me verser un smoothie fraise-framboise. Moi, je la regarde. Je me demande un peu pourquoi elle m'a installée là. Ça doit être qu'elle a quelque chose d'important à me dire. « Chaton, il faut que tu arrêtes d'aller dans la chambre de ton frère. C'est un grand garçon, et il a besoin... d'avoir un espace à lui tout seul. » Je hausse les épaules. Ça la fait toujours rire quand Marlon s'énerve parce que je trouve des trucs dans sa chambre. Comme ses cigarettes, la dernière fois. Papa, il essaie de gronder Marlon, mais maman elle rigole toujours comme une bossue. « Selina... » Ah, zut, elle est sérieuse. « Quand tu auras l'âge de ton frère, toi aussi tu voudras avoir ton coin à toi, où les autres n'iront pas fouiller. » Je hausse à nouveau les épaules. Je sais pas. Moi j'ai pas de secret hein. Moi, je suis pas une vilaine, et je mens pas à ma maman. De toute façon, quoi qu'on lui raconte, ça la fait rire. Elle soupire un peu. « Je sais qu'il n'est pas toujours très gentil avec toi, mais c'est les hormones des garçons, ça leur atteint gravement le cerveau à l'adolescence. Ça lui passera. Et si tu es gentille, ça lui passera encore plus vite! » J'ai une moue pensive et puis je me décide à attaquer un cookie. De toute façon, ma mission d'exploration à échouer. Je n'ai plus qu'à reprendre des forces pour la prochaine. La prochaine, je ne sais pas encore à quoi je m'attaque, mais je vais trouver. La cave ou le grenier, il y a toujours de quoi faire.

Maman a toujours le don pour trouver des explications absurdes et les balancer sur le ton le plus ironique qui soit. Même gosse, je m'y suis jamais laissé prendre. Et pour ce qui est d'être plus sympa avec mon grand frère... Et bien ça n'a pas vraiment été le cas. Sa crise d'adolescence à du se terminer quand la mienne a commencé. Je lui en ai fait voir des vertes et des pas mûres. Pour un peu, je regretterais presque. Mais presque seulement.

Maman m'a dit que les voisins rentraient aujourd'hui. Où ils sont allés, je sais pas trop. Ivy a du me dire. Mais elle est partie il y a au moins une semaine! Alors j'ai oublié depuis, parce que ça fait longtemps une semaine. N'empêche que j'ai pas pu aller chez les voisins pendant une semaine! Coincée à la maison! Avec Marlon! Je peux vous dire qu'il était aussi ravi que moi de la chose. Il a pas arrêté d'inviter des copains à lui parce qu'il sait très bien que je suis toujours adorable quand ya ses copains. Il croit que c'est pour qu'ils m'aiment bien. En fait, c'est juste maman qui me promet des choses si je vais pas l'embêter quand il est avec ses amis. Du coup, c'est pas trop plus mal. Il est resté enfermé dans sa chambre avec ses amis. Yen a pourtant qui ont pas l'air aussi idiots que lui, je sais pas pourquoi ils l'aiment bien. Mais il est resté avec eux, ils ont écouté du rock pour faire croire qu'ils sont rebelles, et puis moi, j'étais tranquille. J'avais la télé pour moi. J'ai pu regarder plein de dessins animés. Et surtout Batman. Et papa il m'a fait regarder tous les films de batman avec lui. Parce qu'il aime bien. C'est pas tous des œuvres d'art hein... Mais Catwoman, c'est la meilleure. Enfin, c'est fini la semaine nulle. Semi-nulle, parce que Batman et les dessins animés c'était bien. Du coup, vu qu'ils rentrent aujourd'hui, je suis allée m'asseoir sur le bord du trottoir, en attendant qu'ils arrivent. Et puis au bout d'un moment, j'ai failli m'endormir à attendre, alors j'suis aller chercher la boite de lego de Marlon qui trainait au grenier, mes barbies et mes figurines de Batman. Et puis j'ai fait une ville sur le trottoir. J'pensais pas faire aussi grand. J'en ai même perdu dans les égouts. Tant pis, ce sera pour les crocodiles, ils ont bien le droit de jouer aussi. Marlon va râler, mais il est pas partageur, de toute façon. Mais j'ai habillé ma barbie préférée en vert, pour qu'elle fasse Godzilla. La prochaine fois que Ivy elle s'en va, je dirais à papa qu'on regardera les Godzilla. C'est quand même plus mieux que certains Batman. Pas tous, mais certains. Maman a fini par m'apporter des cookies parce que je voulais pas rentrer manger, les gens ont été gentils et ils sont passés par la route plutôt que d'écraser mon village. Et enfin, une voiture se gare dans la maison d'à côté. Enfin. Ivy arrive! Je l'ai vu qui a collé son nez à la vitre en arrivant, j'lui ai fait de grands signes, et la voilà qui sort comme une furie de la voiture pour venir me rejoindre en courant. Ses parents lui crient de faire attention mais ça lui passe loiiiiiin au dessus de la tête. « T'as pas commencé Godzilla sans moi hein??! » Le ton trop inquiet de sa voix m'arrache un gloussement. Et elle devine que c'est un non. « Bien. » En même temps, si j'avais fait Godzilla déjà, je peux vous dire que la ville serait loin d'être toujours aussi jolie. J'ai juste habillé la barbie pour. Et je peux vous assurer que c'est bien plus drôle de détruire une  ville avec des petits petons de Barbie qu'avec des gros pieds de dinosaure. Ça prend plus de temps, c'est plus pointu comme travail. Un vrai travail de super-méchant. J'suis pas Catwoman pour rien! Je lui tend une Barbie habillée en vert. « J't'en ai habillé une! Prête? » Un hochement de tête de sa part et c'est parti pour le massacre. Rangez vos enfants, c'est pas joli à voir!

Ivy, c'était ma voisine, et elle a toujours été là en fait. Je crois qu'il n'y a pas une semaine que j'ai passé à Spring Garden que j'ai passé sans la voir. J'étais franchement intenable quand elle n'était plus là, et il n'y avait bien que ma mère que ça faisait rire. Et quand j'y pense, je ne sais pas vraiment comment elle a pu me supporter. J'étais vraiment une chieuse quand j'étais gosse. Une adorable chieuse, mais n'empêche. D'ailleurs, vous ne saurez jamais comment on passe de la chieuse à la femme parfaite (et tellement modeste) que je suis. Parce que la scolarité à Spring Garden n'a jamais été une chose palpitante. Si vous vous demandez à quoi ça ressemble, demandez à n'importe qui qui a grandit là. Sauf mon frangin, lui était débile. Moi j'avais des bonnes notes, je plaisais déjà aux mecs et j'étais bien entourée.

C'est un peu bizarre quand tu passes la dernière soirée avec tes amis actuels pour tes seize ans. C'est ce qui m'est arrivé. Une soirée un peu dure. Parce que Spring Garden a beau ne pas être le paradis ou l'endroit où je souhaite passer le restant de mes jours, je quitte quand même les seize premières années de ma vie en quittant ce village paumé. Une soirée difficile que je finis dans mon lit, avec Ivy à mes côtés. Elle ne dit rien, et moi, je me contente de regarder le plafond. J'ai du mal à dormir. En fait, je sais pertinemment que je vais faire une nuit blanche. C'est toujours comme ça, quand j'angoisse. J'en perd le sommeil. C'est très embêtant quand j'angoisse pour des trucs qui requièrent que je sois bien éveillée. Mais là, ce n'est pas vraiment le cas. Maman m'a dit que je conduirais si je voulais, mais si je ne dors pas, j'aurais qu'à faire un somme à la place du mort. « Si on te manque trop, tu pourras toujours revenir ici de toute façon, yaura toujours ton père... » J'approuve d'un "mh" distrait. Je sais aussi bien qu'elle qu'elle ne dit ça que pour la forme. Je vois mal comment je pourrais renoncer à ce voyage au cœur des États-Unis, avec ma mère. Surtout pour revenir vivre à Spring Garden, où Marlon reste. Bon, il y a beaucoup de personnes qui pourraient compenser la présence de Marlon. J'ai même fini par plus la supporter avec les années mais... non. Le voyage. Je crois que je tiens un peu trop de ma mère. C'est elle qui a lancé l'idée. Elle en avait marre d'être là, son couple avec papa battait de l'aile depuis quelques années. Il était temps qu'elle prenne sa vie en main, ses distances. Et elle m'a proposé de venir avec elle, comme si c'était normal pour une gamine de seize ans de passer son été sur les routes à vivre la vie de hippie avant d'aller s'installer à New-York le temps qu'elle finisse le lycée. Je crois que c'est l'idée du lycée à New-York qui m'a totalement conquise. NEW-YORK! Après avoir vécu quelques années dans le trou du cul du monde, ça sonne comme le paradis sur terre. Et si elle le fait parce que New-York lui manque, à ma mère qui a déjà fait le tour des États-Unis, qui vient de Los Angeles, elle le fait aussi pour moi. Elle dit qu'une gamine ne peut pas totalement grandir si elle ne voit pas ailleurs. Ailleurs que ce petit village où les gens ne pensent pas hors des cadres. Moi, je sais qu'il y en a qui pensent hors des cadres ici. J'en connais certains. Mais je veux bien connaître plus. Découvrir plus ce qui existe hors des cadres. Et ça ne s'arrête pas à la grosse pomme. Elle m'a promis qu'elle restait là-bas avec moi jusqu'à ce que j'ai fini mon lycée, parce que j'aurais besoin d'elle. Mais elle m'a dit qu'après, elle voyagerait comme elle faisait avant. Que je pouvais la suivre ou faire des études comme je le souhaitais. Elle m'a promis le rêve américain, le vrai. Elle m'a servi l'avenir de mes rêves sur un plateau. Alors je sais bien que ça paraît sûrement plus beau que ça le sera, mais en attendant, on commence l'été par un concert des White Stripes suivi de deux festivals de punk-rock... Et elle ne m'a pas encore donné la suite du programme pour préserver la surprise, comme elle dit. « Je t'écrirais hein, j'aime bien les lettres. Et puis t'as intérêt à me harceler de sms comme maintenant. » Ivy tourne dans le lit pour venir me serrer doucement dans ses bras. « T'inquiètes. Je te laisserais pas l'occasion d'oublier que ce trou paumé existe. » Son sourire en coin est communicatif et je lui pose un bisou sur le nez pour me venger. Tout ça va finir en bataille d'oreiller si vous voulez mon humble avis. Tout cela va finir avec ma chambre en morceaux. Mais c'est pas comme si elle allait encore me servir longtemps.

Au final, les étés que j'ai passé avec ma mère ont été les plus beaux de ma vie. Toujours des tonnes de conneries inattendues. Entre les concerts, les expositions, les manifestations, les balades... Les États-Unis sont trop grands pour qu'on réussisse à se répéter. Pour ce qui est de ma scolarité à New-York, je n'aurais pas pu rêver de mieux.

J'ai couru comme une folle quand on m'a annoncé la nouvelle. J'ai traversé la cité universitaire pour retrouver la chambre de Max. Il m'ouvre avec un regard un peu éteint sous son œil au beurre noir. Un brin choquée, je mets un moment à réagir. « Oh bordel, Max, je suis vraiment désolée! » Je lui attrape la main libre pour lui apporter tout le soutien que je peux. Son autre main applique un paquet de glaçon sur sa machoire. Il hausse les épaules avant de se décaler pour me laisser entrer. Il retire sa main des miennes pour aller se laisser tomber sur son canapé avec une grimace de douleur. Je grimace à mon tour pour lui. Je crois qu'il a une côte qui va pas bien. Je ferme la porte derrière moi et m'y adosse avec un soupir. « Tu pourras essayer de le maîtriser ton con la prochaine fois hein... » J'acquiesce. Si j'avais été là, j'aurais fait tout mon possible pour l'en empêcher. Mais on s'est engueulés, et il a disparu. Je n'avais aucune idée d'où il était allé. Jusqu'à ce que j'apprenne ce qui était arrivé à Max. Si je le savais jaloux, je ne pensais pas que ça attendrait un tel niveau. Il y a une limite entre la jalousie et le pétage de plomb. De toute évidence, Johnson ne connaît pas cette  limite. « Je suis vraiment désolée... » Je me dirige vers la cuisine pour nous préparer un thé et Max ne proteste pas. « Je savais que les jaloux, ça n'était pas pour moi, mais je le pensais pas capable de... » De quoi je ne le pensais pas capable au juste? De démonter la tête de mon meilleur pote de fac? « De me détruire la gueule parce qu'on lui a rapporté que tu me collais quand t'étais bourrée? » Je lui adresse une petite grimace contrite. C'est vrai que j'ai tendance à être collante quand j'ai trop bu. Quand je suis sobre aussi d'ailleurs. Sauf que quand je suis sobre, je sais me maîtriser. Et que du coup, je fais gaffe quand je suis en couple. Alors que quand je suis bourrée, je finis par embrasser tous ceux que j'apprécie. J'installe les tasses et la théière sur une plateau et vient les poser sur sa table basse avant de me poser à côté de lui. « Je vais le pourrir celui-là... Il ne trouvera plus jamais de nana ici. » Ça arrache un petit rire à Max qui regrette aussitôt. « Putain mais quelle brute! Si tu te retrouve un jaloux après celui-là, essaie au moins de t'assurer qu'il est maigrichon comme tout. Pas un poil de muscle, c'est ma condition. » « Sinon quoi? » Il hésite un instant. « Sinon, je te boude. Plus de câlins. » Je lui adresse mon plus joli sourire. « Plus jamais de jaloux pour moi, t'inquiètes pas. C'est que des emmerdes ce genre de con. » Je lui fais un câlin avec le plus de précautions possible. Faudrait voir à pas l'abîmer plus qu'il ne l'est déjà. « Mais franchement, ton Johnson là, il m'avait pas à la bonne de toute façon, c'est pas comme si j'étais le seul gars que tu colles en soirée. » « Non mais vas-y, dis que je suis chaude comme la braise aussi! » Mon ton est faussement outré. C'est vrai que je colle beaucoup de personne en soirée. Parce qu'une soirée sans une surcharge d'affection, c'est bien triste. Il m'ébouriffe les cheveux pour toute réponse. Ça lui évite de se parjurer en niant l'évidence. Le fourbe. « Mais de toute façon, si il ne t'avait pas à la bonne, il ne me méritait vraiment pas! » Je dépose un bisou sonore sur la joue abîmée de mon ami avant de me pencher vers la table pour nous servir nos tasses de thé.

L'université. Ce moment magique où l'on découvre qui on est, où on vit pleinement. J'ai tenté d'avoir des copains sérieux, histoire de faire bien, mais j'ai vite compris que ce n'était pas pour moi. Le couple, c'est mignon, mais pour les autres. Pour moi, c'est trop de responsabilité, trop d'enfermement. Pourquoi se limiter à une seule personne quand on peut aimer le monde entier? Certes, cela m'a valu de me faire traiter de tous les noms, mais ce n'est pas comme si j'accordais beaucoup d'importance à l'avis de ceux qui ont le cerveau trop étroit pour comprendre que je suis assez grande pour faire ce que je veux de ma vie.

Une journée à tenter de réviser ces examens finaux. Une journée. A la bibliothèque de la fac. A essayer de réviser seulement. Parce que je suis bien loin de réussir. Faut dire que j'ai d'autres choses auxquelles penser. Déjà la suite du premier bouquin que j'ai réussi à publier. C'est important. Je peux pas attendre trop longtemps, sinon, ça ne marchera jamais. Divers projets d'écriture à droite et à gauche. Et surtout mon retour prochain dans le trou le plus paumé d'Amérique. Ou presque. Pas que ça m'emmerde vraiment de rentrer, juste que je ne pensais pas que ça serait de si tôt. Juste que je pensais n'y retourner que pour les vacances. Oui, parce que c'est fini, les vacances à faire le tour du monde avec ma mère. C'est fini Venise rien que pour nous deux, Prague, les festivals en France ou en Allemagne, la fête de la bière. Il paraît que quand on a un vrai boulot, ça s'arrête. Et moi, l'année prochaine, j'ai un vrai boulot. Parce que c'est fini les études. C'est la vie active. Et en parlant de vie active, je tombe sur ma coloc en rentrant chez moi. Jessie lève à peine le nez de ce qu'elle est en train de griffonner pour me lancer un "salut" distrait. Ça doit être important. Je la laisse à ce qu'elle fait pour aller me faire un thé. Faudrait pas la déranger. Mais c'est elle qui vient me retrouver alors que je me suis assise sur le meuble de la cuisine, ma tasse brulante entre les mains. Elle a son plus beau sourire aux lèvres et elle cache quelque chose dans son dos. Une surprise? Je lui rend son sourire aussi vite. J'aime les surprises. Elle avait sûrement prévu de me faire attendre, mais elle en est pas capable. Elle me colle ses dessins sous le nez. Sa planche, pour être précise. Une page de bande dessinée. Avec son style habituel, classe. Mais je hausse un sourcil. Ce design, ces personnages... Ça me dit quelque chose. Je ne peux empêcher un sourire d'éclore sur mes lèvres. « Dis, t'aurais pas été fouiller dans mes brouillons toi? » Elle me regarde sans répondre pendant un moment et se décide à plaider coupable. « Bon, ok, j'aurais pas du! Mais j'ai direct accroché à ton histoire de pirates de l'espace! J'avais tellement envie de les dessiner! » Je hoche la tête. Honnêtement, je m'en fiche un peu qu'elle fouille dans mes brouillons. Surtout si c'est pour un tel résultat. « Et c'est réussi. » « Non, mais il manque les couleurs encore. Mais franchement, ça le fait non? Je me suis dit qu'on devrait faire ça. Tu scénarises avec tes idées de ouf, et moi je mets en forme. Ça fonctionnerait tellement mieux! Les geeks préfèrent toujours les comics! Et même les non-geeks, c'est plus facile à lire! » Ça, c'est du Jessie tout craché. Pas le temps d'en placer une qu'elle a déjà déballé tout son plan. Et c'est pas un mauvais plan. « Tu sais que je pars dans un mois hein? » Elle hausse les épaules. « Va t'occuper de ton père, t'inquiètes pas. On peut toujours faire ça à distance! Ou je viendrais te voir pour régler les détails. Bon, c'est vrai que ton frère risque de pas apprécier ce genre de fréquentation mais... » Je rigole à la remarque. « Je pourrais fréquenter l'autre con de fifty crottes de Grey là que mon frère n'en aurait rien à secouer, t'inquiète! » Je m'interromps une seconde. « Et puis on se fréquente plus de toute façon... » Elle me lance son petit sourire en coin. Jessie et moi, c'est une longue histoire, mais ça s'est fini définitivement quand j'ai décidé de rentrer. Et au final, ça nous va très bien à toute les deux. On a jamais été un vrai couple de toute façon. On voit trop la vie de la même façon pour ça et on tient à notre liberté. Elle me regarde sans dire un mot et je finis par lui tendre une main décidée. « Bon, ça marche! Et je compte sur toi pour faire marcher tes contacts et nous faire publier! » Elle tape dans ma main au lieu de la serrer et me fait une splendide danse de la victoire avant de retourner au salon, à ses dessins. La simple idée de voir Jessie débarquer à Spring Garden pour m'exhiber ses dessins me laisse con. Mais je n'ai pas d'autre choix que de rentrer. Marlon a eu beau me traiter de tous les noms quand je lui ai dit que je venais prendre soin de papa, je sais que ma place est là-bas. Tant qu'il n'ira pas mieux, il aura besoin de sa fille à ses côtés. De sa petite catwoman.

C'est pour mon père que je suis rentrée à Spring Garden, une fois que j'ai eu mon diplôme. Je ne pouvais pas revenir avant, je ne voulais pas revenir les mains vides. Et si je dois bosser dans la ville d'à côté, au moins, je subviens à mes propres besoins. Et puis au final, ça se fait plutôt bien, de vivre ici, dans la vieille maison familiale que j'avais quittée depuis 7ans environ. Le fait que les gens d'ici soient plutôt sympa, ça aide.

Ivy a insisté. Apparemment, elle s'est fait des amis géniaux. A l'entendre en parler, on dirait qu'ils sont encore mieux que moi. Peut-être parce que eux ne désertent pas pendant sept ans sans jamais revenir dans leur ville d'origine? Bon, on a pas arrêté de se parler pour autant hein! L'adepte des lettres que je suis a carrément assuré niveau maintien du contact. Ce qui fait que la bande de cons, j'en ai entendu parler. Et en des termes plus qu'élogieux. Même si l'éloge était souvent cachée sous une bonne dose de moquerie, de désespoir, ou d'envie de fuir. Alors forcément, quand je me trouve en face d'eux, j'ai pas trop de mal à mettre des prénoms sur les têtes. Même si les surnoms me viennent en premier : le gendre idéal, le musicien, le futur mec d'Ivy et... Je bloque à peine un quart de seconde, suffisamment pour que personne ne s'en rende compte. Et MON futur mec. Si elle a pu m'en parler de celui-là, le drogué, elle ne m'avait pas dit que... Putain cette gueule. Et je suis sûre qu'il a le cul qui va avec. Les présentations sont vite faites, je souris à tout le monde, je suis polie, je suis sociable, je suis adorable. Et je n'ai pas vraiment besoin de faire semblant au final, parce que s'ils sont les amis d'Ivy, ils n'ont pas le choix, ils sont obligés de bien m'aimer. C'est marqué dans la loi. Je commande une pinte bien fraîche. Si je veux tenir la route et avoir une discussion qui ne se résume pas à une suite de mots sans aucun sens, il faut que je me rafraichisse le cerveau. Allez, c'est tout de même pas le premier beau gosse que je croise! Même à Spring Garden, j'en ai déjà vu des beaux. Et pourtant, c'est pas comme si j'avais croisé beaucoup de mecs autres que les docteurs depuis mon arrivée, vu que la seule chose que j'ai faite avant de retrouver Ivy, c'est d'aller voir mon père. Et ça a suffit. Ça a suffit à ce que je croise un bellâtre. Mais il faut dire que partager un joint avec un mec a beau être une bonne façon de sympathiser, se rencontrer dans un hôpital fait que ça n'ira vraiment pas plus loin. Mais ça m'a fait du bien, de discuter du pourquoi de mon retour ici à cœur ouvert, de me dire qu'il y a des gens cools à Spring Garden. Des gens qui ont leurs emmerdes, et qui vivent leur vie. Alors non, ce Robin n'est pas le premier beau gosse que je croise. Et puis je pourrais aussi avoir chaud à cause du gendre idéal, ou du musicien! Allez savoir, c'est sexy les rockeurs! Bon, à qui j'essaie de faire croire ça? Autant que j'arrête d'y penser et que j'avale ma bière. Ça me simplifiera les choses. Et puis ça va, je suis installée à côté du mec de Ivy. Du futur mec de Ivy. Même si elle nie, et que ça l'énerve que je dise ça moi aussi, alors que les mecs la font déjà chier avec ça. Yavait même pas collusion. Comme quoi, on a bien raison. Et moi, je fais ma chieuse à être installée entre les deux, j'empêche toute situation romantique. Je suis sûre que c'est un coup d'Ivy. Elle se dit qu'il faut qu'elle soit à côté de moi au cas où je sois perdu, et elle a du calculer que Barry était le plus vivable et le plus apte à me faire me sentir à l'aise à côté de lui. Ou bien peut-être qu'elle n'ose pas le dire mais qu'elle veut mon avis sur ce futur mari. Ou pas mari, si elle n'a pas envie de la cérémonie et tout. Juste futur mec. « Et du coup, qu'est-ce qui t'as fait revenir ici? » Je tourne la tête vers Barry qui vient de me poser la question pour laquelle je n'ai pas encore trouvé de mensonge potable. Alors je fais ce que je fais de mieux, je joue à la conne. « Ivy m'a dit tellement de bien de vous que je pouvais pas la laisser vous avoir tous les quatre rien que pour elle. Même si elle m'a dit plus de bien de certains que d'autres... » Ivy me balance un coup de coude dans les côtes qui me fait rire comme une bossue. « Depuis quand tu fais du favoritisme Ivy?! » Les regards se portent avec une certaine lourdeur sur Barry, ce qui me fait rire doucement derrière ma main, comme si je pouvais être discrète. Oui, je suis fière de moi, même si Ivy me balance un coup de pied dans le tibia. Bon, ok, j'arrête de foutre la merde. « Ah bah maintenant que je suis revenue, vous pouvez être sûrs qu'il va y en avoir du favoritisme. Ivy, elle est pour moi! » Je l'attrape d'ailleurs dans mes bras, un brin possessive, alors qu'elle hausse un sourcil qui semble vouloir dire "qu'est-ce que tu racontes comme merde toi? T'as fumé?". Mais non, je n'ai rien consommé d'autre que deux gorgées de cette délicieuse bière glacée. « On a sept années à rattraper toi et moi, ma belle! » Et je lui pose un baiser sonore sur la joue. Ça en fait marrer certains. Et je peux vous assurer que quand il rigole, il est encore plus magnifique, l'autre blond.

La A-team. Le groupe des super-héros. Heureusement que je m'appelle Selina, sinon j'aurais pas été autant la bienvenue. Et ça aurait été dommage de les rater. Et si j'ai des relations particulières avec certains d'entre eux, il faut avouer que je les aime tous tellement, à leur façon. Leur connerie est inimitable, et elle colle parfaitement avec la mienne. C'est pour ça qu'on est inséparables.

Le gens prennent rapidement l'habitude de venir chez moi. Il faut avouer que j'ai souvent la maison à moi toute seule. Et quand on me demande où est mon père, je reste toujours assez vague. Parce que s'il n'en a parlé à personne, ce n'est pas à moi de le faire, si? Enfin bref, j'évite ce genre de questions. Et la team a souvent mieux à faire que de se demander ce qu'il se passe réellement dans cette famille. Et puis en vrai, ça leur va aussi que la maison soit vide aussi souvent. D'avoir cette maison de famille juste pour nous, d'avoir la collection de film de papa et son écran immense... D'avoir les chambres où ils peuvent dormir quand ils restent trop tard. Mais ce soir c'est pas chez moi. Ce soir, on fait semblant d'être sociables. Et pour la peine, Robin a décidé de m'emmener. J'avoue que ne pas conduire m'arrange souvent. Je doute un peu de pouvoir lui faire confiance pour avoir l'esprit clair au volant, mais que serait la vie sans un peu de risque. Je vais lui ouvrir pour le trouver avec une bouteille de rhum à la main et son splendide sourire aux lèvres. Je ne peux que le laisser rentrer dans de telles conditions. Même si le rhum n'est que pour plus tard. « Va nous servir des verres de vin pendant que je vais chercher le dvd que j'ai promis à Logan. » Oui, je suis la réserve de film. Et du coup, des fois, on est des gens honnêtes et on ne télécharge pas. Il prend la route de la cuisine pour nous sortir des verres et la bouteille de vin blanc ouverte qui attend dans le frigo. Parce qu'un verre avant la soirée ne nous fera pas de mal, si? Moi, je parcours l'étagère du regard pour tenter de localiser le film. La classification de mon père est très pointue. Pas moyen de se louper. Et pour le coup, c'est au dernière étage de son immense bibliothèque. Je monte sur une chaise pour tenter de trouver le dvd en question. Il faudrait que je songe à ouvrir une vidéothèque un jour. Ça pourrait rapporter de l'argent. Quoi que mon père n'apprécierait surement pas qu'on refile ses trésors à n'importe qui. Mais Logan n'est pas n'importe qui, on va dire qu'on peut lui faire confiance. Ou presque. Et voilà que la porte de la cuisine claque alors que j'ai enfin posé mes yeux sur le graal. Il pose les verres alors que je tends le bras au maximum, sur la pointe des pieds... Et il me rattrape alors que je manque de basculer. Quand je vous dis qu'il en vaut la peine, il m'évite de me casser le cou et de mourir seule chez moi. Et du coup, je me retrouve le visage à quelques millimètres du sien, une main sur son torse quand l'autre tient le dvd fautif. Et lui qui me lâche pas. Je sens une certaine chaleur me monter au visage alors que mes yeux se posent sur son sourire un brin moqueur. Quoi? Il croit qu'il a gagné? Mh... Ce n'est pas comme s'il y avait vraiment eu un quelconque défi. Il aurait pu gagner dès le premier jour s'il avait tenté sa chance. Je jette le dvd sur la table basse, on verra pour ça plus tard. « T'as décidé de me porter jusqu'à la fin des temps ou tu vas te décider à me coller contre un mur? » Ça le fait marrer, et je me demande combien de joints il a pris avant de venir. J'ai pas le temps de me le demander trop longtemps qu'il semble adhérer à ma suggestion tout en franchissant les quelques millimètres qui séparent nos lèvres. Moi qui pensait que cette bouche était trop parfaite pour être réelle... Et bien la voilà, ma preuve.

Parfois, je me dis qu'avoir couché avec un membre de la A-team, ça peut risque de foutre la merde. Vous savez, cette grande idée qu'il ne faut jamais au grand jamais se taper un de ses potes... Mais on est des grands. On peut gérer nos histoires de cul sans emmerder les autres, non?

Quand Charlie m'a proposé une soirée, j'ai dit oui, sans même hésiter une seconde au fait que peut-être, j'avais besoin de repos parce que j'avais une vente importante le lendemain. Non. Peu importe la vente, peu importe le boulot, les obligations, le réveil à 7h... Ce qui importe tout de suite maintenant, c'est les cinq shooters que je viens d'aligner sous le regard suspicieux d'Ivy. Mince, j'avais oublié qu'on est toujours tous mélangés dans cette bourgade. C'est pas comme les grosses ville où tu peux faire la fête avec un groupe de potes pour oublier l'autre groupe... J'évite de croiser le regard de ma meilleure amie et me dirige plutôt vers Charlie. Le but inavoué de la soirée, c'est d'oublier que l'autre blondasse m'a lâchée comme une conne et que j'ai été la dernière prévenue qu'il se barrait. Le but encore plus inavoué, c'est d'oublier que ça me fait cet effet là. Que ça me donne envie de rester sous ma couette avec un pot de Ben&Jerry's. Faudrait peut-être que j'aille voir le médecin. Ce n'est pas normal. Ca ne me ressemble pas. Moi, je suis Selina, celle qui n'a pas de problème quand les mecs se barrent de sa vie sans prévenir. Mais ce n'est pas tant le fait qu'il soit parti. Plutôt le fait qu'il ne m'ai pas prévenue plus tôt. Mais pourquoi est-ce qu'il aurait eu besoin de me prévenir plus tôt, c'est pas comme si on était un couple après tout hein? Rah! Mon cerveau est en surchauffe, faut que je le déconnecte. Après avoir vérifié qu'il n'y a pas de Sam dans les parages, je vais m'accrocher au cou de Dean pour lui offrir le plus adorable des regards de chiot perdu sous la pluie. « Deanouneeeeet... Tu me fais un de ces dééééélicieux cocktails dont tu as le secret?? » Si ça c'est pas une demande comme il faut... Ah non, j'oubliais. « Stoplééééééé! » Ya Charlie qui glousse comme une con de me voir faire la conne et d'emmerder Dean qui tentait d'avoir une discussion sérieuse avec... Des gens. Mais c'est pas grave. C'est drôle d'emmerder Dean quand il tente d'être sérieux. En fait, c'est drôle d'emmerder quiconque essaie d'avoir une discussion sérieuse en soirée quand on a trop bu. Mais Dean ne résiste pas une seconde, alors je me dis que je dois l'avoir sauvé de personnes chiantes. Ou alors il a compris que je le lâcherais pas avant d'avoir suffisamment bu. Suffisamment bu pour quoi? Il n'a pas besoin de le savoir! Personne n'a besoin de le savoir. J'ai le temps d'engloutir un de ses cocktails et il a à peine le temps de m'en faire un autre que la porte de prison débarque. Je prends mon verre avec un certain dépit. Le dernier de ces merveilleux cocktails... Et puis je les lâche. Dean est toujours moins fun quand sa double maléfique est dans le coin, alors je le laisse s'éclater en paix. Charlie est partie je ne sais où. Elle ne va pas tarder à revenir quand elle saura que Sam est là, mais c'est une autre affaire. Alors je cherche ma prochaine victime. Et je la trouve là, assis tranquillement sur sa chaise, à papoter avec Mister Gendre Idéal. Celui-là doit encore essayer de se trouver une nana, à coup sûr. A moins qu'il se soit casé pour le moment et qu'il tente d'en trouver une pour notre Barry national. Mais je m'en fiche de ce dont ils parlent. Barry est MA victime. Alors je m’accroupis devant lui dans un mouvement plus ou moins stable. Peut-être moins que plus si vous voulez de l'honnêteté totale. « Barry, il faut que tu viennes danser. » Il me regarde un instant et avant même qu'il n'essaie de protester, je le coupe dans son élan. « Tu savais que la blondasse partait et tu m'as rien dit! Tu me le DOIS! » Il échange un regard complice avec Clark et j'affiche une moue un brin emmerdée. Je crois que je ne devrais pas lui en vouloir de ne rien m'avoir dit. Parce qu'en principe j'suis sensée n'en avoir rien à faire... Je crois que je me suis grillée... Mais ils oublieront. Ce n'est qu'une petite erreur de parcours. Je n'en ferais pas d'autre. Et puis ils vont boire et ne plus se souvenir de la soirée. Oh, et puis de toute façon, l'argument a fait lever Barry et je fais un grand signe à Ivy qui semble vouloir dire "REGARDE MEUF! J'AI RÉUSSI A LE FAIRE DANSER SUR DU RIHANNA!!". Ça la fait marrer. Je lui laisserais ma place après cette chanson. Parce que maintenant qu'il danse, il a certainement pas le droit de retourner s'asseoir le loustic!!

A Spring Garden, on loupe rarement une occasion de faire la fête. Et les fêtes sont rarement calmes. Je crois qu'on est LA génération de demeurés de la ville, et on s'est retrouvés par miracle. Pour ce qui est de mes histoires avec Robin... Je vous dirais juste que c'est plus compliqué que ça devrait l'être. Que je commence à un peu trop m'habituer à sa compagnie. Mais ce n'est qu'un petit détail. Je suis une grande fille, mes histoires, je les règle avant qu'elle ne deviennent vraiment problématiques.