« Tu es prête ? » Je hoche discrètement la tête. J’ai le trac, évidemment. Mais je sais qu’après tout ça, je pourrai ramener assez d’argent à ma mère pour qu’elle finisse le mois. Je me trouve devant l’ambassade de Russie à Kiev, prête à y pénétrer. A mon bras, Dmitri a tout prévu. Nous sommes invités à ce gala de charité. Ce soir, il a revêtu son plus beau costume – celui de Mr Vladim Bajanov : riche héritier. Ces jeux de rôles me font rire. Si Dmitri avait été héritier, j’aurai été la première à le savoir. Mais bon, il a besoin d’une couverture. Et changer d’identité est la meilleure. C’est la première fois que je fais un aussi gros coup. Mais je sais que ça vaut le coup. Dmitri éteint sa cigarette et m’emmène jusqu’à l’entrée. « Monsieur et Madame Bajanov. » dit-il sur un ton calme. Intérieurement, je tremble. Je sais que je ne dois rien laisser paraître. Je suis Madame Bajanov, blindée de tunes. Dmitri fait un pas en avant afin d’être fouillé. Comme prévu, les gardes me demandent seulement d’ouvrir mon sac. Je m’exécute. « Vous devriez arrêter de fumer Madame. » dit gentiment l’agent de sécurité. Je hausse les épaules, souriante. « Quand on tombe dedans vous savez. » Qu’est-ce que cette manie peut d’ailleurs mettre ma mère hors d’elle.
L’ambassade est à la hauteur de mes espérances. Un vieux bâtiment, des lustres en cristaux, des dorures. Mes yeux pétillent en voyant ce décor irréel. « Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau. » dis-je dans un souffle. Dmitri m’enlace par la taille, me rapprochant de lui. « Détends-toi. » Il est drôle de dire ça. Il a l’habitude lui de faire ce genre de choses. Moi, à part voler un paquet de pâtes au supermarché, je n’ai jamais rien fais de tel. « Tu danses ? » J’esquisse un sourire et prends la main qu’il me tend afin qu’il m’entraîne vers la piste de danse. Il me rapproche de lui, je pose ma tête dans le creux de son cou. Nos corps dansent sur le rythme lent de la musique. Plusieurs couples à nos côtés. Jamais il n’y a eu autant d’argent si proche de moi. Des femmes portent des milliers de dollars rien qu’avec leur robe. Soudain, je me laisse aller. Il faut que je me prenne au jeu. Je suis épouse d’héritier, l’épouse de Dmitri. Un sourire s’affiche sur mon visage à cette pensée. Je n’ai que seize ans, mais je sais que Dmitri sera mon époux. Même si notre relation est naissante, elle est forte. « Ça va être le moment. » Il dégage son étreinte alors que l’ambassadeur fait son apparition pour son discours.

« Ana vas-t-en ! » Je me retourne vers Dmitri, paniquée. Non, je n’ai pas envie de partir. Je me précipite vers lui. Je vois dans son regard qu’il désapprouve, mais cette étincelle prouve qu’il est heureux que je reste avec lui. « J’ai commencé avec toi, alors je finirai en prison avec toi. » lui dis-je avant de déposer un léger baiser sur ses lèvres. Ma main prend la sienne, la serrant au plus fort. Il s’agit de nos derniers instants ensembles avant longtemps. Le FBI est à nos trousses depuis longtemps. Mais ce soir, nous sommes allés beaucoup trop loin. Un énième braquage, un Monet retrouvé intact du naufrage du Titanic. Exposé depuis des années dans ce musée New-Yorkais. Tout était prévu, tout était parfait. Mais c’était sans compter sur l’agent Davinson qui nous filait depuis le début.
Les mains en l'air, les menottes. Le dernier regard, le coup de feu. « Non ! » Je me débats, ils me lâchent. Dmitri, le corps étendu au sol, couvert de sang. Je lève les yeux, cherchant d’où vient le coup de feu. Qui ? Pourquoi ? Alors que nous allions être emprisonnés. Je n’entends plus rien, je pleurs. Je suis allongée sur son corps sanglant.