« Je viens de quitter la pâtisserie, j’arrive dans dix minutes tout au plus ! Et j’apporte le dessert, comme promis ! » voici le message que j’envoyai à l’adresse de mon amie, avant de ranger mon téléphone dans ma poche pour finalement prendre les clés de la pâtisserie pour verrouiller la porte. J’aurais très bien pu changer mon téléphone de main, mais puisque j’avais promis ce fameux dessert, je transportais celui-ci de l’autre main, ou plutôt, j’avais dans l’autre main un carton aux couleurs du Dixie Coffee dans lequel se trouvait un gâteau que j’avais préparé dans les deux dernières heures de mon service, lorsque je m’étais retrouvé seul dans l’établissement, puisque cela avait été une journée particulièrement tranquille à la pâtisserie. Évidemment, j’avais fait exprès de préparer un gâteau qui allait plaire à Anniston, mon amie que je verrais ce soir, ajoutant même un petit surplus simplement pour lui faire plaisir, commençant à connaître ses goûts à ce niveau. J’espérais seulement, maintenant qu’il était fait, que cela lui ferait plaisir, même si je me doutais déjà qu’elle avait probablement déjà deviné que j’apporterais un dessert du genre, puisqu’après tout, je travaillais dans une pâtisserie, et c’était ce avec quoi je me débrouillais le mieux, puisque pendant la dernière année et demie, c’était ce sur quoi je m’étais concentré, n’ayant plus envie de décevoir qui que ce soit et surtout, conserver ce travail qui avait réussi à me remettre en place et me permettre de redevenir quelqu’un d’assez stable pour revenir auprès de mon épouse et de mon fils. Énormément de choses avaient changé en un an, à croire que là où j’étais précédemment et où je suis aujourd’hui, ce n’était pas une même vie, une même personne. En revanche, je ne pouvais pas m’en plaindre, je ne pouvais pas me plaindre de quoi que ce soit. J’étais redevenu comme un enfant qui profite de la vie, et je me doutais bien que cela allait très certainement surprendre Anniston, que je n’avais pas vue depuis un moment. Effectivement, pas mal de choses avaient changé depuis la dernière fois, mais ce n’était pas du tout négatif, bien au contraire, et j’avais maintenant hâte de lui raconter, mais surtout de passer une soirée en sa compagnie comme nous avions pris l’habitude de le faire ces derniers mois.

À présent prêt à quitter la pâtisserie après m’être assuré que le tout était bien verrouillé et que je n’avais pas oublié d’éteindre quoi que ce soit, je posai le gâteau dans le coffre de ma moto, soulagé de voir qu’il rentrait tout juste, mis mon casque, et je me rendis jusque chez mon amie. Le trajet me prit que quelques minutes, et sitôt que je fus devant, je me garai, rangeai mon casque et l’échangeai entre mes mains contre le gâteau qui, heureusement, ne s’était pas abîmé pendant la route. Toujours celui-ci entre les mains, mes clés dans mes poches, je me rendis jusqu’à la porte, et j’y frappai, reculant ensuite d’un pas en attendant une réponse avec un petit sourire aux lèvres.

Peut-être il ne me fallait pas grand-chose pour être étonné, mais je demeurai plutôt surpris lorsque je vis mon amie m’ouvrir la porte. Enfin, ça, c’était normal, mais c’était plutôt le fait qu’elle avait les mains remplies de savon à vaisselle, et qu’en plus, elle prétextait préparer le repas qui me parut un peu étrange aux premiers abords. Évidemment, la première pensée que j’eus, c’était qu’elle utilisait du savon dans une de ses recettes, mais il fut clair dans mon esprit que ce n’était là qu’une absurdité de la part de mon cerveau pour rendre la situation un peu plus cocasse. Finissant par supposer que c’était parce qu’elle nettoyait ce qu’elle avait utilisé pour faire la cuisine, je finis par lui lâcher un sourire amusé, et je dis, bien à l’aise : « D’accord, pas de problème ! », ne voyant certainement pas pourquoi j’en ferais tout un cas. Suivant Anniston jusqu’à la cuisine, je ne bronchai pas au moment où elle me demanda de nous servir à boire. N’importe qui ne connaissant pas notre amitié aurait pu croire que c’était déplacé, demander à l’invité de faire le service, mais pour ma part, j’avais l’habitude, et j’étais aussi à l’aise chez Anniston que cette dernière pouvait l’être chez moi. Une fois que je fus à la bonne hauteur, j’ouvris le frigo, puis je déposai le gâteau là où je trouvai de la place avant de prendre les deux bières, les décapsuler, et finalement accompagner mon amie jusqu’au salon, là où elle m’avait demandé de la suivre, et là où ce serait plus confortable pour discuter et manger un apéritif, évidemment. Considérant le plateau qu’elle avait apporté, je ne pus m’empêcher de lui dire : « Ils ont l’air délicieux, tes apéritifs ! » en toute sincérité. Effectivement, j’en avais déjà l’eau à la bouche rien qu’à les regarder, mais par politesse, je ne me jetai pas dessus, lui donnant sa bière et prenant place dans le canapé d’abord et avant tout. De plus, il aurait été extrêmement déplacé de ma part de commencer à manger au moment où elle me demanda ce qui se passait dans ma vie. Je commençai par lui répondre : « En effet, ça fait un petit moment… », mais contrairement à mon habitude, je ne lui répondis pas complètement dans l’immédiat. Effectivement, il me fallut un certain temps pour réfléchir à ce que j’allais lui dit, ou plutôt, si j’allais aborder le sujet « Evalyn » dans l’immédiat, ou si j’allais attendre un peu. Optant pour la seconde option, je tentai de garder un air impassible tandis que dans un haussement d’épaules, je lui affirmai : « En fait, pas grand-chose, et toi ? », mais bien rapidement, je me trahis en esquissant un petit sourire un peu juvénile en coin. C’était subtil, mais je me doutais bien que c’était suffisant pour signifier que ma réponse n’était pas tout à fait véridique. Enfin, je ne mentais pas à Anniston, jamais je ne pourrais lui faire cela, mais je ne me voyais pas vraiment lui dire tout ce qui s’était passé d’emblée, préférant prendre de ses nouvelles d’abord et avant tout et aborder le sujet un peu plus naturellement par la suite, dans la mesure du possible, bien évidemment.

J’eus une véritable réaction de gamin quand Anniston ajouta un léger commentaire suite à ma réponse, ayant bien évidemment remarqué qu’elle savait bien qu’il y avait quelque chose de nouveau dans ma vie. En effet, je haussai de nouveau les épaules, gardant ce sourire stupide tandis que je baissais momentanément la tête pour prendre une gorgée de bière, la seule chose qui me donnait réellement l’impression d’être un adulte un peu viril en ce moment. Heureusement pour moi, mon amie ne me demanda pas de détails, sachant probablement déjà que je lui en parlerais quand je serais prêt à le faire. Enfin, j’espérais être en mesure de lui en parler au moins une fois dans la soirée, même si, me connaissant, je serais incapable de garder cela bien longtemps pour moi. Toutefois, je sus quand même reprendre une certaine contenance pour m’intéresser à la vie de la jeune femme, vérifiant si elle, elle avait quelque chose à me raconter. Heureusement, elle se montra un peu plus bavarde que moi, me racontant qu’elle avait beaucoup de travail, ce à quoi j’acquiesçai en hochant la tête, lui signifiant par ce simple geste que j’avais compris ce qu’elle me disait, mais que de plus, je pouvais compatir. Enfin, je ne pouvais pas exactement comprendre ce qu’elle vivait, mais j’avais quand même appris ce que c’était, de longues heures de travail occupées à la pâtisserie, quand même. Puis, je m’apprêtai à songer à lui dire quelque chose, mais je m’arrêtai subitement quand elle ouvrit de nouveau la bouche, abordant soudainement un sujet pas mal plus vague qui me poussa à demander : « Attends, James ? Que s’est-il passé ? », déjà prêt à insister s’il le fallait pour tirer les vers du nez de mon amie. Bien sûr, ce serait plutôt ironique, compte tenu que moi-même, j’avais fait preuve d’un mutisme quasi exemplaire quand était venu le temps de parler de ma vie sentimentale. Cependant, ce n’était pas comme si elle partait de rien; j’étais quand même au courant de certaines choses, et si elle soulevait la question, c’était forcément parce qu’elle voulait en parler, non ? Guettant encore et toujours sa réponse, très curieux de savoir ce qu’elle me dirait, cela ne fit pas en sorte que je commence à bouder au moment où elle détourna quelque peu le sujet de conversation, ne pouvant d’ailleurs qu’approuver ses propos au moment où elle me dit que nous ne devions pas cesser ces soirées pour autant. Acquiesçant d’abord d’un signe de tête, je lui dis : « Je ne peux qu’être d’accord avec toi. », la gratifiant ensuite d’un petit sourire. Puis, après un court moment de réflexion, je ne pus m’empêcher de lui dire : « Et puis, c’est l’occasion de rattraper le temps et se raconter nos vies, n’est-ce pas ? », esquissant cette fois-ci un sourire un peu plus taquin. Cela avait été plus fort que moi; j’étais de bonne humeur, heureux d’être avec mon amie, heureux de la tournure que prenait ma vie en ce moment, et maintenant désireux de savoir ce qui se passait, en gros, dans la vie sentimentale de la jeune femme. Et puis, je n’avais pas directement insisté, simplement plaisanté, ce n’était pas méchant, non ? Enfin, je ne le pensais pas, et j’espérais qu’elle ne le prendrait pas mal, même si l’inverse m’étonnerait.